

Le 23 août 2008, la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflits s'est jointe aux femmes, survivantes et groupes de défense des droits de la personne en ex-Yougoslavie, aux États-Unis, au Canada et partout dans le monde, pour demander, par voie d'une lettre conjointe destinée au procureur en chef du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, d'amender l'acte d'accusation de Radovan Karadzic pour inclure des accusations de viol et autres formes de violences sexuelles perpétrées contre des femmes par les forces serbes de Bosnie sous le commandement de Karadzic.
Le 14 août 2001, une lettre a été envoyée à la procureure Carla Del Ponte concernant l?urgente nécessité d?inclure des chefs de violence sexuelle dans l?acte d?accusation contre Slobodan Milosevic au TPIY. Plus de trente organisations internationales de défense des droits des femmes ainsi que des individus ont signé la lettre et, en octobre 2001, ont applaudi l?ajout de chefs d?accusation de violence sexuelle contre Milosevic par la procureure Del Ponte.
En décembre 1998, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) a condamné le commandant local du conseil de défense croate, un Croate bosniaque du nom de Furundzija, à une peine de dix années d'emprisonnement pour la séquestration et le viol répété d'une musulmane par ses subordonnés. Furundzija a été reconnu coupable d'avoir co-perpétré un acte de torture et aidé et encouragé la perpétration d'un "outrage à la dignité de la personne, y compris le viol de la victime" (Témoin "A").
Du point de vue des droits des femmes, la condamnation de Furundzija, et en particulier le fait que le viol ait été reconnu comme une forme de torture, est un pas positif. Malheureusement, l'affaire pose un précédent d'ordre procédural quelque peu troublant en ce qui regarde le traitement des victimes de violence sexuelle lors des procédures pénales.
En effet, une fois le procès terminé, en juin 1998, Furundzija a déposé une requête pour que soit écartée la preuve apportée par le témoin "A", ou pour qu'il y ait un nouveau procès, au motif que la non-divulgation du dossier psycho-médical de ce témoin lui avait causé un préjudice. La Chambre a accepté la requête et ordonné la divulgation de tous les documents relatifs au "traitement médical, psychologique ou psychiatrique ou au counselling reçu par le témoin "A" après mai 1993". En outre, elle a ordonné un nouveau contre-interrogatoire de tous les témoins de la poursuite, y compris le témoin "A", relativement à ce dossier. Cette ordonnance, qui a été confirmée en appel, était extrêmement large et, de l'avis de la Coalition, faisait fi de la vie privée et de l'expérience vécue par le témoin, et ne tenait pas compte des stéréotypes sexuels qui motivent souvent ce genre de demandes de divulgation des dossiers personnels des témoins.
Avant la réouverture du procès et le réexamen du dossier psycho-médical du témoin "A" et d'autres documents confidentiels, la Coalition a jugé nécessaire d'intervenir et déposé un mémoire de l'amicus curiae, dans lequel elle demandait à la Chambre de première instance de reconsidérer son ordonnance en invoquant les droits à l'égalité, à la vie privée, à la sécurité et à la protection du témoin. La Chambre de première instance a réouvert le procès sans l'avoir lu et a refusé de tenir compte explicitement de son contenu dans sa décision.
Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
(Site officiel)