Coalition pour les droits des femmes en situation de conflits

BULLETIN D'INFORMATION SUR LES DROITS DES FEMMES EN SITUATION DE CONFLITS
Vol. II no. 1 -- Février 1998

Le Bulletin de la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflits est publié occasionellement par Droits et Démocratie.

Cette édition du bulletin est coordonnée par Isabelle Solon Helal et Nazneen Damji.

TABLE DES MATIÈRES

Un groupe d'experts de l'ONU se penche sur les persécutions fondées sur le sexe

Madame Jane Connors, directrice de l'Unité des droits des femmes de la Division pour la promotion de la femme, a ouvert la rencontre en soulignant que si les précédentes rencontres du groupe d'experts de la Division avaient porté sur la participation des femmes en matière de prises de décision politiques et de résolution des conflits, ainsi que sur la violence contre les femmes en général, elles n'avaient jamais encore abordé la question de la protection des femmes en situation de conflit armé, celle des responsabilités incombant aux États et à la communauté internationale à cet égard, des mesures à prendre pour réduire les violations des droits des femmes en situation de conflit et des mesures nécessaires pour protéger les femmes réfugiées ou déplacées à la suite d'un conflit. La Division ayant jugé que les persécutions fondées sur le sexe constituaient un risque potentiel pour les femmes qui se trouvent en zones de conflit et celles qui tentent de fuir cette situation en quittant leur résidence ou en se réfugiant dans un autre pays, elle a convoqué cette réunion du groupe d'experts pour discuter de ces risques et formuler, à partir de la section E du Programme d'action de Beijing (Les femmes et les conflits armés), des propositions concrètes à l'intention de la communauté internationale ainsi que des différents gouvernements et sociétés civiles.

Le cadre de la discussion a été clairement posé. Les femmes et les fillettes subissent des types de préjudices spécifiques dirigés surtout ou uniquement contre elles, en temps en paix ou lors de conflits, à la fois parce qu'elles sont des femmes et à cause de l'inégalité qui a caractérisé, historiquement, les rapports de pouvoir entre hommes et femmes. Même si le terme «persécutions fondées sur le sexe» n'apparaît dans aucun instrument juridique, il englobe les formes de préjudices que subissent régulièrement les femmes et les fillettes partout dans le monde du fait de leur sexe.

Depuis la Conférence de Vienne sur les droits de l'homme, en 1993, on a enregistré d'importantes avancées sur la question des préjudices subis par les femmes dans les situations de conflit. Il est essentiel que ces acquis soient préservés et développés. Il faut sensibiliser les mécanismes juridiques, à tous les paliers, aux manifestions des persécutions fondées sur le sexe. Voici les sujets discutés lors de la réunion:

  1. les mécanismes juridiques existants ou à créer pour entendre les allégations de violations des dispositions relatives aux conflits armés perpétrées à l'endroit des femmes, et examiner les violations des droits humains que subissent les femmes;
  2. les moyens d'améliorer la sécurité des femmes en situation de conflit;
  3. les recours juridiques et les besoins des femmes réfugiées ou déplacées.

La nécessité de considérer les femmes non pas comme de simples victimes passives, mais comme des être capables d'orienter leur destin et d'agir comme des agents de changement, a été le fil conducteur de toutes ces discussions.

Les recommandations auxquelles a abouti cette rencontre s'adressent aux acteurs nationaux, régionaux et internationaux et entrent dans les catégories suivantes: définitions et normes juridiques; formation, diffusion et éducation; participation; mise en oeuvre, suivi et redevabilité. Elles devraient en outre aider le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et d'autres organes de suivi des traités quand ils définissent les obligations des États parties.

Cette réunion d'experts était organisée par la Division pour la promotion de la femme des Nations Unies et le Centre d'études sur les réfugiés de l'Université York, au Canada, en prévision de la prochaine session de la Commission de la condition de la femme. Elle a eu lieu dans les locaux du Centre d'études du 9 au 12 novembre 1997.

Pour de plus amples renseignements, contacter:

Mme Jane Connors
Unité sur les droits des femmes, DPF

Two UN Plaza
Room DC2-1226
New York, NY 10017
Tél.:
Téléc.:
connorsj@un-org

Extraits de la Déclaration de Tokyo présentés à la Conférence internationale sur la violence contre les femmes en situation de conflit armé

La dernière journée de la Conférence internationale sur la violence contre les femmes en situation de conflit armé, qui a eu lieu à Tokyo du 31 octobre au 3 novembre 1997, a été organisé un symposium public au cours duquel les déléguées ont présenté au peuple du Japon les recommandations et résolutions adoptées lors de la conférence.

Extraits de la Déclaration de Tokyo

Nous savons, par des rapports et des témoignages, que les femmes subissent diverses formes de violence au cours des guerres et des conflits régionaux, quels que soient l'endroit et l'époque. En outre, ces actes criminels perpétrés contre les femmes n'ont jamais été qualifiés de crimes de guerre; ils n'ont jamais été jugés par des tribunaux chargés de juger les crimes de guerre, et leurs auteurs, jouissant de la plus parfaite impunité, n'ont jamais été poursuivis.

Le mouvement international des femmes a clairement établi quels étaient les droits fondamentaux des femmes à l'occasion de la Conférence mondiale des droits de l'homme, organisée à Vienne en 1993; à la fin de la même année, l'Assemblée générale de l'ONU adoptait la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, invitant les États à s'engager à éliminer les diverses formes de violence perpétrées contre les femmes tant dans la sphère privée que dans la sphère publique. Dans le programme d'action de Beijing, les participants à la Quatrième Conférence sur les femmes, organisée en 1995, ont explicitement qualifié de crimes de guerre les actes de violence perpétrés contre les femmes au cours des conflits armés. C'est pourquoi les femmes se sont organisées pour apporter aide et soutien aux femmes survivantes; elles ont commencé à introduire la question de la violence sexuelle devant des tribunaux internationaux comme celui sur l'ex-Yougoslavie, et à critiquer les tribunaux chargés de juger les crimes de guerre dans certaines régions d'Asie, notamment le Tribunal de Tokyo, à partir du point de vue des femmes. La conférence de Tokyo avait été organisée pour que le point de vue des femmes victimes apparaisse dans le rapport que Rhadika Coomaraswamy, Rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes, doit présenter à la Commission des droits de l'homme en 1998.

Pour éliminer la violence exercée contre les femmes dans les situations de guerre et de conflit armé, les femmes s'efforcent, à l'échelle nationale et internationale, de créer un monde non militarisé en s'engageant à bâtir une paix fondée sur les principes des droits fondamentaux des femmes. De plus, elles s'emploient, dans leur vie quotidienne, que ce soit à la maison, dans leurs milieux de travail ou au sein de leurs communautés, à transformer les mentalités et les cultures qui attisent la discrimination et la violence.

C'est pour atteindre ces objectifs à long terme que nous cherchons à rejoindre les femmes qui luttent contre la violence faite aux femmes dans les situations de conflit armé dans toutes les régions du monde, par des réformes des systèmes et organes juridiques internationaux comme les Nations Unies et le droit international et par la création d'une Cour pénale internationale. Nous voulons également consolider notre mouvement au Japon en ce qui regarde la question des «femmes de confort», pour que le gouvernement japonais assume ses responsabilités juridiques, indemnise et aide les survivantes. Il s'agit pour nous de créer un précédent et de faire en sorte que les femmes survivantes de violence sexuelle en temps de guerre retrouvent leur dignité et obtiennent justice partout dans le monde.

Le Comité organisateur japonais de la Conférence internationale sur la violence contre les femmes en situation de conflit armé, et les participantes au Symposium public,
Tokyo, 3 novembre 1997.

Pour s'informer sur la conférence, on peut contacter:

Asian Centre for Women's Human Rights (ASCENT)
Suite 306, MJB Building
220 Tomas Morato Avenue
Quezon City
Philippines
Tél:
Téléc.:

Cour pénale internationale : la question des femmes à la table des négociations

Par Donna K. Axel

Depuis les trois dernières sessions du Comité préparatoire chargé de la création d'une Cour pénale internationale permanente, les représentants des gouvernements semblent davantage sensibilisés aux questions relatives aux femmes. Le Caucus en faveur de la justice pour les femmes au sein de la Cour pénale internationale (Caucus des femmes) a été créé en février 1997 dans le but d'inciter les représentants gouvernementaux chargés de la mise sur pied de la Cour d'intégrer dans leurs travaux un point de vue tenant compte des femmes. Le Caucus demande aux États de prendre en compte et d'intégrer les leçons que les femmes qui ont participé aux travaux des tribunaux pénaux internationaux ont tirées de leur expérience, ainsi que les acquis que les militantes des droits des femmes ont obtenus à Vienne et à Beijing. Mais bon nombre des délégués gouvernementaux engagés dans la création de cette nouvelle cour de justice ne sont pas suffisamment conscients de l'impact de la guerre et de la violence sur les femmes et les enfants, et de la nécessité d'intégrer cette dimension dans les mécanismes juridiques internationaux. Le Caucus des femmes multiplie les efforts pour que le Statut établissant la Cour pénale internationale réponde à ces préoccupations.

C'est au chapitre de la définition des crimes de guerre, lors des négociations de décembre 1997 sur la création de la Cour pénale internationale, que le Caucus des femmes a réalisé une de ses percées les plus importantes. Les représentants gouvernementaux se sont montrés massivement favorables à l'inclusion d'une disposition prohibant «le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, les grossesses forcées, la stérilisation forcée et toute autre forme de violence sexuelle, [qui constituent aussi] de graves infractions aux conventions de Genève». Cette interdiction vient s'ajouter à la liste des graves violations figurant déjà dans le texte préliminaire de février 1997 relatif aux crimes de guerre, et stipule clairement que ces crimes sexuels sont des actes de violence et non de simples «offenses à la dignité humaine», comme le formulait la version antérieure du projet de statut. Mais comme d'autres gains obtenus par le Caucus des femmes, cette disposition n'est pas garantie tant que le Statut établissant la Cour ne sera pas finalisé.

Du 15 juin au 17 juillet 1998, les plénipotentiaires se réuniront à Rome dans le cadre d'une conférence diplomatique pour finaliser le projet de statut établissant une cour internationale permanente. La création de la cour peut être facilement retardée si les délégués ne peuvent se mettre d'accord sur des questions de fond et de procédure ou si le processus de négociation ne parvient pas à intégrer un large segment de la société comme par exemple les femmes. Pour que le Caucus des femmes gagne vraiment son point lors de la conférence diplomatique, il faut que les personnes et les groupes qui l'appuient fassent pression auprès des gouvernements pour que les acquis potentiels figurant dans le projet de statut se retrouvent dans le document final. Nous devons bien faire comprendre aux gouvernements que s'ils veulent notre appui, sur lequel repose la légitimité de la Cour, ils doivent faire en sorte que nos préoccupations soient prises en considération.

Questions soulevées par la lettre et le rapport envoyés au procureur Arbour

Une lettre ouverte a été envoyée aux membres de la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit armé, en réponse aux questions soulevées par Ubutabera, le bulletin indépendant sur le Tribunal pénal international pour le Rwanda. Ubutabera avait en effet soulevé un certain nombre de points dans un message personnel adressé aux membres de la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit armé à la fin novembre 1997, et dans son numéro du 9 décembre, à propos de la lettre et du rapport intitulé «La protection des témoins, les femmes et le TPIR», que la Coalition avait envoyée au procureur Arbour.

La réponse à Ubutabera rappelle que les témoins et les témoins potentiels courent encore de grands risques. Elle clarifie certains points touchant à la protection des témoins au TPIR. Elle insiste sur le fait qu'on n'a pas établi d'unité de protection des témoins dès le début, quand le bureau du Procureur a commencé son travail, et elle apporte des éclaircissements concernant la réticence des associations locales de femmes à collaborer avec l'équipe des agressions sexuelles. Elle aborde en outre la conceptualisation du viol et de la violence sexuelle et souligne la nécessité d'embaucher des femmes expérimentées qui ont déjà travaillé avec des survivantes de violence sexuelle.

Cette lettre de réponse à Ubutabera a été envoyée par Isabelle Solon-Helal, Valérie Oosterveld et Connie Walsh au nom de la Coalition d'ONG. Pour de plus amples renseignements, veuillez prendre contact avec à Droits et Démocratie.

DERNIÈRES NOUVELLES

Afghanistan

Un 8 mars dédié aux femmes d'Afganistan

La Commissaire à l'aide humanitaire de l'Union Européenne, Emma Bonino, a lancé un appel pour que la Journée internationale des femmes de 1998 soit dédiée aux femmes d'Afganistan en signe de solidarité internationale. Madame Bonino et les membres de sa délégation ont été arrêtés et détenus pendant trois heures par la police religieuse du régime des Taliban, en septembre, lors d'une visite dans le seul hôpital de Kaboul ouvert aux femmes. Madame Bonino a déclaré que les femmes qu'elle avait vues, et qui sont obligées de porter la burqa qui les enveloppe de la tête aux pieds, ressemblent à des ombres et se sentent comme des ombres. L'instruction leur est complètement interdite et elles ne peuvent quitter leur domicile sans être accompagnées. Pour Emma Bonino, la Journée internationale des femmes pourrait être une bonne occasion de sensibiliser l'opinion mondiale et de faire pression sur le régime des Taliban pour qu'il rétablisse les droits fondamentaux des femmes.

Mission sur la situation des femmes en Afganistan

Les restrictions draconiennes imposées aux droits des femmes en Afganistan hypothèquent gravement l'aide que la communauté internationale peut apporter conformément aux conventions relatives aux droits humains internationalement reconnues. Une réunion du comité exécutif des Nations Unies sur les activités humanitaires avait été convoquée à ce propos, le 3 juin 1997, pour formuler un ensemble de recommandations pratiques. Celles-ci devaient servir de principes directeurs lors d'une mission sur la situation des femmes en Afganistan. à la mi-novembre, la conseillère spéciale sur les questions de l'égalité des sexes et de la promotion des femmes auprès du Secrétaire général, Angela King, a présidé une mission inter-agences sur la question. Cette mission avait pour but d'établir un ensemble de lignes directrices concrètes, axées sur le travail sur le terrain, qui pourront servir aux organismes de l'ONU, aux donateurs et aux ONG lors de la mise en oeuvre de leurs programmes, et de définir des indicateurs pour évaluer dans quelle mesure ces lignes directrices sont respectées.

RWANDA

Le procès d'Akayesu devant le TPIR

Les 23 et 24 octobre, J.J., une femme Tutsi de 35 ans est venue raconter, dans une atmosphère lourdement chargée, les viols collectifs qui se sont produits dans le bureau communal. Il est fort probable que ce témoignage constituera la principale accusation contre l'ancien bourgmestre de Taba en matière de crimes de viol et de violence sexuelle. «Il n'a rien fait pour protéger la population», a déclaré le témoin.

Selon Ubutabera, le bulletin indépendant sur le Tribunal pénal international pour le Rwanda, la date à laquelle doit témoigner le général Dallaire dans la cause Akayesu a été fixée au 23 février. Le 13 janvier, le secrétaire général de l'ONU a officiellement accepté de lever l'immunité de l'ancien commandant de la mission d'assistance de l'ONU au Rwanda.

Le procès d'Akayesu a repris en février. Le Tribunal devrait rendre ses premiers verdicts dans les trois prochains mois, dans les dossiers Akayesu, Rutaganda, Kayieshema et Ruzindana.

Ressources en droits des femmes

Women's Human Rights Resources (WHRR) (Ressources en droits fondamentaux des femmes) est un projet de la Bibliothèque Bora-Laskin de l'Université de Toronto. Cet outil a été créé il y a deux ans pour aider les chercheur-e-s, étudiant-e-s, enseignant-e-s et militant-e-s des droits humains à trouver sur l'Internet des informations de bonne source sur les droits des femmes à l'échelle internationale. Ce site web comporte trois sections:

  1. une liste annotée de liens internet sur de nombreux sujets comme l'éducation, la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes (Beijing), le mariage et la famille, la propriété et le logement, ainsi que les droits des fillettes;
  2. une liste annotée de documents: conventions, rapports, bibliographies et articles publiés par des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux;
  3. une bibliographie annotée préparée par Rebecca Cook et Valerie Oosterveld, publiée à l'origine dans l'American University Law Review sous le titre "A Select Bibliography of Women's Human Rights". Cette bibliographie a depuis été considérablement augmentée, et on peut faire la recherche par auteur. Mise à jour périodiquement, elle s'avère plus complète et plus actuelle que d'autres outils de recherche en recension du droit.

On peut trouver le WHRR à l'adresse suivante:

Le cadre juridique est de mieux en mieux adapté pour répondre aux besoins des femmes et des filles dans les situations de conflit, en particulier dans les cas de violence sexuelle, comme le montrent les importants travaux des tribunaux pénaux internationaux. Mais il reste beaucoup à faire, surtout pour améliorer la prévention et lutter contre l'impunité.

-- Kofi Annan
28 octobre 2002

 


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