Coalition for Women's Human Rights in Conflict Situations

Une insatiable soif d'apprendre chez les femmes et les fillettes afghanes.

Par Carolyn Reicher,
Women for Women Afghanistan, section de Calgary
www.w4wafghan.ca

Le Prix John-Humphrey pour la liberté décerné chaque année par Droits et Démocratie sera remis le 10 décembre, Journée internationale des droits de la personne, à Mme Sima Samar pour ses efforts en faveur des droits des femmes et des fillettes en Afghanistan et dans les camps de réfugiés situés à la frontière nord du Pakistan. Le travail de la docteure Samar illustre de façon exceptionnelle les risques que prennent de nombreuses femmes afghanes pour s'instruire, elles et leurs enfants, et pour se donner des services de santé. L'article qui suit donne une idée générale des luttes des femmes afghanes et de l'esprit de résistance qui les anime.

Les images répétées de ces femmes afghanes sans visage, ensevelies sous la burqa, continuent de frapper les consciences du monde occidental. Ces déprimantes silhouettes anonymes nous rappellent le sort que subissent des millions de femmes et de fillettes dans cette autre partie du monde. Pour bien des observateurs étrangers, elles en sont venues à incarner, dans son essence même, l'oppression que subit depuis cinq ans le peuple afghan sous le joug des Talibans.

Il est facile de manifester sa consternation ou sa frustration devant l'isolement qu'impose le port de ce vêtement à toute la population féminine adulte de l'Afghanistan. Mais au-delà de la burqa (qui couvre les femmes de la tête aux pieds), il existe en Afghanistan bien d'autres problèmes plus urgents et plus profonds auxquels il faut s'attaquer - et c'est là le défi que les femmes afghanes nous invitent à relever.

Lorsqu'on les interroge sur leur situation, les femmes afghanes répondent souvent d'une manière qui peut sembler surprenante pour des femmes occidentales. Elles minimisent les inconvénients inhérents au port de la burqa, insistant sur le fait que même si ce vêtement est inconfortable et peu pratique, c'est bien souvent le dernier de leurs soucis. Ce dont elles souffrent le plus, c'est de ne pouvoir travailler à l'extérieur, d'accéder aux services de santé et de s'instruire, elles et leurs filles.

Quel avantage y a-t-il à pouvoir sortir le visage découvert quand vous n'avez pas accès à des moyens décents de nourrir et d'instruire votre famille? Quelle importance cela a-t-il de pouvoir s'habiller à l'occidentale quand votre pays est ravagé par la pauvreté, la sécheresse, les mines terrestres et les séquelles de la guerre? Si l'on me demandait ce qui, en tant que mère, me fait le plus peur - l'impossibilité de me vêtir et de me déplacer à mon gré, ou l'interdiction complète de faire instruire mes enfants en les enfermant à la maison sans pratiquement aucune source de stimulation - ma réponse serait immédiate et catégorique. Mon premier souci est l'épanouissement et l'instruction de mes enfants.

Bien des femmes afghanes partagent cet avis et risquent courageusement leur vie en organisant de petites écoles clandestines pour les fillettes. Entre les violations des droits humains qui font les grands titres des journaux se multiplient les gestes de résistance qui défient sans bruit un régime qui interdit l'accès à l'instruction aux femmes et aux fillettes. À Kaboul, dans le quartier de Shashdarak, l'École Naswan a ouvert ses portes aux fillettes de la première à la sixième année. Le matériel pédagogique dont disposent les enseignantes est pratiquement inexistant, mais l'espoir qu'elles insufflent à leurs élèves, lui, ne l'est pas. L'Institut afghan d'éducation, appuyé par le Global Fund for Women, anime lui aussi des écoles clandestines à travers le pays. Grâce au projet communautaire d'instruction primaire de CARE (COPE), qui met sur pied et appuie des écoles de village non officielles, Noria Sadia offre une instruction de base à plus de 30 fillettes dans sa propre maison. Jusqu'ici, le projet de CARE a permis la création de plus de 250 écoles de ce genre fréquentées par plus de 19 000 enfants.

Certaines agences internationales interviennent de plus en plus dans des domaines que les organismes voués au développement connaissent depuis des années. On sait que l'éducation des femmes et des fillettes a un effet très positif sur le bien-être de la famille et de la société en général. En 1999, le Comité suédois pour l'Afghanistan a facilité l'instruction de plus de 30 000 fillettes. Les programmes de jumelage d'écoles sont devenus le moyen d'assurer l'éducation des enfants afghans et de familiariser les enfants d'autres pays avec les questions entourant les droits humains. Grâce aux programmes organisés par Feminist Majority, plus de 200 groupes d'écoliers aux Etats-Unis et au Canada font de la sensibilisation et recueillent des fonds pour les écolières en Afghanistan.

En mars 2000, l'ONU estimait qu'à Kaboul seulement, 10 000 fillettes suivaient un enseignement dispensé à la maison. Comme une semence qui se met soudain à germer, ce nombre, et le pouvoir qu'il représente, ne fait que s'accroître. Fatima, une femme de Kaboul, risque les représailles des Talibans en administrant une école de filles. Malgré le caractère vétuste des locaux, le manque d'équipement et la menace constante des espions talibans, elle et ses collègues continuent d'enseigner les sciences, les mathématiques, la géographie et la religion à plus de 250 fillettes. Et les élèves ne cessent d'affluer, animées par une insatiable soif d'apprendre. Pour Fatima, l'enthousiasme des enfants et sa propre foi dans les vertus de l'instruction valent bien tous les risques. S'instruire ne signifie plus seulement acquérir un bagage de connaissances : "Offrir une éducation à ces petites filles est devenu une tâche sacrée", dit-elle. C'est là sa propre guerre sainte. Fatima ne pense pas aux contraintes de la burqa. Ce qui compte pour elle, c'est d'ouvrir de jeunes esprits à la connaissance et à la vérité, et de jeunes c?urs à l'espoir et à la guérison.


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